Arrivé des États-Unis sous forme de divertissement mondain — les fameuses tables tournantes —, le spiritisme intrigue, amuse, parfois inquiète.
En effet, à l’aube de la Belle Époque, alors que les salons s’emplissent de lumière et que les esprits rationnels s’enthousiasment pour l’électricité, le chemin de fer ou la photographie, une autre forme de lumière, plus mystérieuse, s’invite dans les conversations feutrées de la bourgeoisie parisienne : celle de l’au-delà.
La doctrine spirite fait bruisser les rideaux des appartements haussmanniens, entre fascination et raillerie. Mais dans cette effervescence légère, un homme s’en saisit avec sérieux : Hippolyte Léon Denizard Rivail, pédagogue rigoureux, héritier des Lumières et passionné de sciences.
Là où d’autres voient illusion, lui perçoit structure. Là où d’autres convoquent les Esprits pour rire, il les interroge avec méthode. Et c’est ainsi qu’il devient Allan Kardec, fondateur du spiritisme moderne, théoricien d’un monde invisible et pourtant si proche.
Ce texte vous invite à redécouvrir, dans toute sa clarté et sa profondeur, ce qu’est véritablement la doctrine spirite : non pas une superstition de salon, mais une philosophie exigeante, née à l’heure même où l’Europe croyait avoir tout compris… sauf peut-être l’essentiel.
Spiritisme: un mot nouveau pour une réalité nouvelle
Pour désigner l’invisible, encore fallait-il inventer des mots clairs.
C’est dans cet esprit de précision qu’Allan Kardec forge les termes spiritisme et spirite, pour désigner respectivement la doctrine et ses adeptes. Le terme spiritualisme, déjà utilisé pour s’opposer au matérialisme, ne convenait plus : croire en l’existence d’une âme n’implique pas nécessairement la reconnaissance de l’existence des Esprits, ni de leur capacité à communiquer avec le monde physique.
Le spiritisme se distingue donc en tant que philosophie, étudiant les lois qui régissent les rapports entre le monde visible et le monde invisible.
Clarifier les concepts spirites : âme, esprit, principe vital
Sous le mot “âme” se cachent plusieurs réalités qu’il convient de nommer avec justesse.
Kardec insiste sur la nécessité de distinguer trois idées différentes trop souvent confondues sous le seul mot « âme » :
- L’âme vitale : souffle premier de la vie organique, partagé par toutes les formes du vivant – des plantes aux hommes. Elle anime le corps, puis s’éteint avec lui.
- L’âme intellectuelle : principe de l’intelligence partagée par les animaux et les humains, souvent conçue comme une étincelle issue d’un esprit universel. C’est une forme de panthéisme.
- L’âme spirite : individu conscient, immatériel, distinct de la matière et survivant au corps après la mort. C’est l’idée centrale du spiritisme.
Pour lever toute ambiguïté, Kardec propose de qualifier l’âme selon ses fonctions : vitale, intellectuelle, ou spirite. Seule cette dernière, propre à l’homme, est le fondement de la doctrine spirite.
Les fondements philosophiques du spiritisme
L’univers ne se limite pas à la matière visible. Il est le théâtre d’un équilibre subtil entre deux ordres de création : le monde matériel, où nos corps évoluent, et le monde des Esprits, immatériel, éternel, et préexistant à toute forme incarnée.
La doctrine spirite repose ainsi sur plusieurs principes :
- Dieu est éternel, unique, juste et bon.
- Il a créé deux ordres d’êtres : les êtres matériels (monde visible) et les êtres immatériels (les Esprits).
- Le monde des Esprits est préexistant et survivant, il est la véritable patrie de l’âme.
- Les Esprits s’incarnent temporairement dans un corps matériel pour vivre des expériences et progresser moralement.
L’incarnation est une étape nécessaire d’évolution : chaque vie terrestre est une épreuve qui permet de gagner en expérience et en moral, jusqu’à atteindre la perfection.
L’être humain, une dualité d’essence
L’homme, entre chair et lumière, est composé de trois principes qui tissent ensemble sa présence dans le monde :
- Le corps physique, être matériel, commun aux animaux.
- L’âme, ou esprit incarné, essence morale immatérielle.
- Le périsprit, lien semi-matériel entre le corps et l’âme.
À la mort, le corps se détruit, mais l’Esprit demeure, accompagné de son périsprit.
C’est grâce à cette enveloppe semi-matérielle qu’il peut, sous certaines conditions, se rendre perceptible, apparaîtreou se faire entendre : présence tangible d’un monde invisible.
Une hiérarchie des Esprits et un processus d’évolution
Tous les Esprits ne sont pas égaux. Ils appartiennent à différents ordres selon leur niveau de pureté morale et intellectuelle. On distingue :
- Les Esprits supérieurs : sages, bienveillants, lumineux.
- Les Esprits imparfaits : encore dominés par l’orgueil, la haine ou l’ignorance.
- Les Esprits follets : malicieux, légers, parfois incohérents.
Tous les Esprits s’améliorent par l’expérience et l’incarnation, jamais de façon régressive. Le progrès est constant, mais sa rapidité dépend des efforts individuels et du succès de leur mission de vie dans chacune de leurs incarnations.
Une science des communications invisibles
Le spiritisme enseigne que les Esprits, affranchis du corps, peuvent encore parler aux vivants — parfois d’eux-mêmes, parfois lorsqu’on les appelle.
- Ces communications prennent des formes variées.
Elles peuvent surgir à travers une inspiration légère, une intuition soudaine, comme un souffle venu d’ailleurs. - D’autres fois, elles se manifestent de manière plus tangible, par l’intermédiaire d’un médium : une écriture, une voix, un phénomène physique qui révèle une présence invisible.
Mais tous les Esprits ne parlent pas avec la même intention.
Les plus élevés cherchent à instruire, élever, guider. Leur langage est noble, limpide, empreint de sagesse.
Les plus imparfaits, en revanche, peuvent tromper, flatter, ou se jouer des illusions humaines.
D’où l’importance, dans toute démarche spirite, d’une intention pure, d’une quête sincère, et d’un discernement moral à la hauteur de ce dialogue entre deux mondes
Une morale universelle et progressiste
La morale spirite repose sur une maxime centrale :
« Agir envers les autres comme nous voudrions que les autres agissent envers nous. »
Autour de ce principe gravite l’enseignement des Esprits supérieurs :
- Le dépassement des passions terrestres (orgueil, égoïsme, sensualité)
- L’utilité de chaque âme selon ses moyens
- L’importance de l’humilité, de la charité et de la sincérité
Rien ne reste caché dans le monde des Esprits : l’hypocrisie y est démasquée, et chaque âme doit affronter ses actes passés.
Mais aucune faute n’est irrémédiable : toute erreur peut être rachetée par l’expiation et le progrès.
Une vision apaisante de la vie et de la mort
La doctrine spirite propose une lecture optimiste de l’existence.
Pour les spirites, la mort n’est pas une fin, mais un passage.
L’âme continue d’apprendre, d’évoluer, et de retrouver ceux qu’elle a aimés dans le monde des esprits.
C’est une philosophie du devenir, de la responsabilité personnelle, et de l’espérance.
En cela, elle offre une boussole à l’âme moderne en quête de sens.
Conclusion : Le spiritisme, une clef pour comprendre l’invisible
Le spiritisme, tel que défini par Allan Kardec, ne se présente ni comme une religion figée ni comme une croyance irrationnelle.
Il revendique au contraire une méthode, une rigueur, et une ouverture.
En cela, il s’adresse à tous ceux qui pressentent que la matière n’explique pas tout, et que l’existence humaine trouve son sens dans un cheminement plus vaste, entre ciel et terre, entre science et conscience.
FAQ
Comment fonctionne le spiritisme ?
Le spiritisme repose sur l’idée que les Esprits, survivants d’une vie corporelle, peuvent encore communiquer avec les vivants.
Ces communications ne sont pas de simples curiosités : elles offrent des enseignements moraux, éclairent notre chemin de vie, et nous permettent d’éprouver — avec clarté et profondeur — la réalité d’un au-delà, régi par des lois naturelles aussi subtiles qu’harmonieuses.
Comment pratique-t-on le spiritisme ?
La pratique spirite s’exerce le plus souvent dans le cadre de réunions appelées « séances », menées par un groupe sérieux et désintéressé, guidé non par la curiosité, mais par une volonté sincère de compréhension et d’élévation.
Un médium y sert d’intermédiaire, recevant des messages écrits ou verbaux, transmis par les Esprits.
Mais le lien avec l’invisible peut aussi naître de façon plus discrète : par une inspiration soudaine, une intuition persistante, ou encore des signes délicats, que seul un esprit attentif saura reconnaître. Là encore, tout repose sur la pureté d’intention et la qualité morale du milieu.
Qui a créé le spiritisme ?
Le spiritisme a été codifié au XIXe siècle par Allan Kardec, pseudonyme choisi par Hippolyte Léon Denizard Rivail, pédagogue méthodique et esprit éclairé de son temps.
Il ne fut pas le créateur d’une croyance, mais le rassembleur d’un enseignement : celui des Esprits eux-mêmes, transmis au fil des séances et consigné avec rigueur dans une série d’ouvrages majeurs.
Parmi eux, Le Livre des Esprits (1857) demeure la pierre fondatrice, la charpente de cette philosophie de l’invisible, à la fois exigeante, structurée et profondément humaniste.
Est-ce que le spiritisme existe ?
Oui, le spiritisme est bien vivant.
S’il demeure discret en France, où quelques cercles fidèles perpétuent encore la pensée d’Allan Kardec, il connaît en revanche une extraordinaire vitalité au Brésil, où il s’est enraciné comme philosophie, spiritualité, mais aussi engagement social.
Là-bas, il irrigue des centres d’étude, inspire des initiatives solidaires, et accompagne des millions de consciences sur leur chemin intérieur.
Preuve que cette doctrine née dans les salons feutrés du XIXe siècle continue, ailleurs, à éclairer le présent avec sagesseet le futur avec espérance.
Comment se manifestent les Esprits ?
Les Esprits se manifestent de multiples façons, parfois subtiles, parfois tangibles.
Une sensation fugace, un rêve porteur de sens, une intuition tenace peuvent suffire à percevoir leur présence. D’autres fois, la communication prend des formes plus directes : écriture automatique, bruits inexplicables, apparitions, ou paroles transmises par l’intermédiaire d’un médium.
Mais pour que ces manifestations soient limpides, encore faut-il un climat propice : un milieu paisible, empreint de respect, de gravité, et animé par une intention morale sincère.
Car le monde des Esprits ne répond pas au spectacle, il répond à l’élévation de l’âme.